

Mains Noires et Cœurs Ardents
Chapitre 1 : Le Grisou et la Guerre
Émile Leroy descendit une dernière fois au fond de la fosse 9 de Lens avant la sirène du couvre-feu. Le charbon lui noircissait le visage, incrusté jusque dans ses rides creusées par la fatigue et l’inquiétude. Depuis l’Occupation, les conditions de travail avaient empiré. Les nazis exigeaient toujours plus de production pour alimenter leur industrie de guerre. La peur du grisou hantait les galeries, mais plus encore, la menace d’une rafle planait sur les mineurs soupçonnés de résistance.
À la surface, sa femme, Madeleine, attendait avec leur fils, Paul, 12 ans, et sa fille, Jeanne, 16 ans. Les tickets de rationnement ne suffisaient plus, et chaque repas devenait un casse-tête. Madeleine troquait parfois du linge ou du savon avec les fermiers du coin pour quelques œufs ou un bout de lard.
Chapitre 2 : Le Marché Noir des Corons
Dans les corons, la faim était une ennemie invisible. Les tickets de rationnement donnaient droit à quelques grammes de pain, un peu de sucre, parfois un bout de beurre, mais jamais assez pour nourrir une famille. Pour survivre, certains mineurs et leurs femmes organisaient un marché noir, risqué mais vital.
Parmi eux, la famille Fournier, des voisins et amis des Leroy, faisait partie des plus habiles dans cet échange clandestin. Jules Fournier, mineur comme Émile, connaissait chaque sentier, chaque chemin de traverse menant aux fermes des alentours.
— « Ce soir, on part chez les Lefebvre. Ils ont des œufs et des patates, » murmura-t-il un soir à Madeleine.
— « Fais attention, Jules. Les Allemands patrouillent dans les campagnes, » répondit-elle, inquiète.
Jules et son fils Henri, 18 ans, partaient à vélo, des sacs vides attachés au cadre. Ils pédalaient de nuit, traversant les bois et les champs, évitant les routes principales. Une fois chez les fermiers, le troc commençait. Un morceau de charbon volé à la fosse, un savon récupéré grâce aux tickets de rationnement, une vieille montre, tout avait de la valeur.
Une nuit, alors qu’ils revenaient chargés de sacs de pommes de terre et de viande salée, une patrouille allemande apparut à l’horizon. Henri paniqua.
— « Papa, on fait quoi ? »
— « On file par la grange des Dufour, cache-toi si je te le dis ! »
Ils laissèrent tomber les vélos et coururent dans l’obscurité. Heureusement, ils connaissaient chaque mètre du terrain. Un fermier complice leur ouvrit une porte dérobée, et ils restèrent cachés jusqu’à l’aube.
De retour aux corons, la précieuse marchandise fut discrètement répartie entre les familles. Madeleine échangea quelques œufs contre du pain chez une autre voisine, et un bout de viande fut gardé pour les Goldstein.
Dans l’ombre des mines, le marché noir était une question de survie. Mais c’était aussi un acte de résistance, une façon de défier l’occupant en nourrissant ceux qui leur échappaient.
Chapitre 3 : La Résistance et la Brigade Secrète
À l’approche de l’été 1944, un vent d’espoir soufflait sur le Pas-de-Calais. Dans les forêts entre Liévin et Carvin, une brigade de résistants et de militaires parachutés par les Alliés s’organisait dans le plus grand secret.
Le Capitaine Dubreuil, un officier français évadé, dirigeait cette unité. Il coordonnait les actions avec les réseaux locaux, notamment celui d’Henri Fournier, le chef des résistants des corons.
Lors d’une nuit brumeuse, Henri se faufila jusqu’au campement caché entre les arbres. Un cercle de résistants et de soldats l’attendait autour d’une carte étalée sur une caisse de munitions.
— « Nous devons frapper vite et fort. Les Allemands préparent une contre-offensive en cas de débarquement. Il faut les désorganiser. » expliqua Dubreuil.
Les cibles étaient identifiées :
La Kommandantur de Lens : un assaut ciblé pour éliminer les officiers allemands.
Les ponts ferroviaires de la région : empêcher le renfort des troupes nazies.
Le dépôt d’armes de Billy-Montigny : récupérer des munitions pour l’insurrection.
Henri s’avança.
— « Les mineurs sont prêts. On connaît les tunnels sous la ville, on peut les utiliser pour approcher la Kommandantur. »
Le plan fut scellé. L’attaque aurait lieu trois jours avant l’arrivée des Alliés dans le Nord.
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