Au nom de tous les terrils

le site des gueules noires…..

Ils sont encore 336, côniques ou plats, à jalonner la région et l’histoire. Jacques est Breton, et quand il posa ses valises sur la terre d’Artois, un matin de 1966, alors que les Houillères tournaient encore à un rythme très soutenu, il fut fortement impressionné par ces monts que les gens d’ici appellent terril, et les autres, terrils en prononçant le L. Depuis, ce professeur d’éducation physique est devenu un Artésien, un vrai, amoureux des gens du Nord et de leur environnement si spécifique. Jacques contemplait ces cônes réalisés par l’homme, et de puis, il les a photographiés car il ne pensait pas qu’un jour, quand les mines allaient cesser leur activité, des gens allaient se battre pour ne pas les raser. Par hasard des vents, des graines voyagent sur des milliers de kilomètres, avant de s’accrocher. Parfois, sur des terris où elles trouvent de bonnes conditions de croissance. A Cervin, le terril du 4 est devenu un refuge de plantes ordinairement trouvées dans le Caucase. Les arbres se développent et seule la forme générale, vue de loin, laisse supposer qu’il s’agit d’un terril. Le ministère de l’Environnement a le dossier en mains, afin de classer cet endroit en zone protégée. La mobilisation de la population à semble- t-il, porté des fruits.

Patrimoine Régional

Outre l’aspect écologique que personne ne conteste maintenant, il faut bien admettre qu’ils seront les derniers témoins de l’extraction du charbon, dans notre région. Les structures des Houillères seront rasées et mises à la casse. Dès le début du mois de janvier 1991, le 9 d’Oignies, pourtant entré dans l’histoire avec cette dernière gaillette, sera comblé (en 15 jours) et démantelé. Mais un terril c’est autre chose. Un argument vient s’ajouter au crédit de ceux qui veulent les préserver. Ils sont exactement le reflet du tracé de la bande française de charbon qui part des environs de Dortmund, en Allemagne  jusqu’à Bruay-Labuissière.

Large d’environ quinze kilomètres, l’ex-bassin minier du Nord part du Valenciennois, traverse le Douaisis, l’Héninois, la Gohelle et se termine dans le Bruaysis. Et les terrils en sont, et seront, les jalons en surface, en formant une chaîne unique en France.

Vers une action concertée

Une association l’a compris, Présidée par Jean-François Caron, < La chaîne des terris > fédère plusieurs mouvements bien décidés à préserver ce trésor original. Des résultats concrets ont été mis sur la table, comme à Wingles où la pratique de la planche à voile a complètement désarmé une cohorte de journalistes parisiens. Comme au parc des Glissoires, sur les communes de Lens et d’Avion où les pêcheurs ont trouvé un véritable paradis. Comme à Ohlain base départementale de loisirs à la renommée interrégionale, avec la pratique du ski de fond. Comme à Hénin-Beaumont où le terril du Pommier est un espace de promenade, avec un parcours sportif.

D’autres exemples pourraient être encore cités, prouvant bien que rien n’est impossible avec les terrils, même le parapente. On trouve sur quelques terrils de magnifiques cristaux et des fossiles. Inutile de préciser à quel point l’intérêt pédagogique est à mettre en valeur. A la fosse Ledoux, on trouve même des traces animales, comme des fossiles de mollusques d’eau douce et... marine, d’insectes, d’araignées et des crustacés. Grâce aux terris, on a pu définir ce qu’était le Valenciennois, il y a 300 millions d’années. Mais voilà, une véritable bataille s’est engagée, l’été dernier, entre les municipalités et les Houillères. Ces dernières ont filialisé douze de leurs activités qui leur survivront quand elles mourront juridiquement et parmi el les, les terrils à travers «  Terris

S.A. ».

En effet, un terril n’est pas un mont inerte et inactif. Certains font de l’autocombustion, d’autres possèdent de la matière utilisable en centrale thermique et d’autres peuvent servir de remblais pour les routes. La centrale d’Hornaing chauffera jusqu’en 1999 et il faudra l’alimenter. Les spécialistes avancent des chiffres, comme l’économie de 12 millions de tonnes équivalant pétrole, depuis 1974. Quant aux entreprises de travaux, elles emploient environ mille personnes. Pour les responsables des Houillères, dont Jack Verlaine, toute cette exploitation peut encore durer vingt-cinq ans et si on n’utilise pas les terrils, on fera des carrières et il y aura des trous.

Donc, entre ceux qui souhaitent ne plus exploiter les terris et ceux qui désirent en tirer une activité, existent un fossé et l’absence d’un terrain d’entente. Mais à « La chaîne des terris » on pense qu’il y a urgence. Dans un premier temps, il faudrait préserver les terris et délivrer des autorisations d’exploitation après concertation. Toutes les portes ne sont pas fermées.

Mais par-dessus tout, on souhaite maintenir une homogénéité de cette chaîne pour que plus tard, quelqu’un puisse dire; « Du haut de ces terrils, plus de 270 ans d’exploitation du char bon vous contemplent ». Enfin, en ce moment d’émotion, pourquoi ne pas orthographier correctement, une fois pour toutes, le sujet de cet article. Terri ne prend pas de L. C’est un journaliste parisien qui l’ajoute, pensant qu’il fallait le faire comme pour fusil. Un terri est amoncellement de terres, à l’origine, et non de terres stériles comme certains le pensent.

Non, ils ne sont pas stériles, nos terris. Ils sont encore 336, et Jacques aimerait encore les regarder longtemps...

La voix du Nord  le 22 Décembre 1990