D’où viennent les noms des fosses ?

C’est en 1775 que le Marquis de Trainel fonda la Compagnie d’Aniche, ancêtre du Groupe de Douai. Il eut moins de chance que le Vicomte Desandrouin dans le Valenciennois. Ce n’est qu’en 1845 sous l’autorité clairvoyante d’Emile Vuillemin que les mines du Douaisis connurent un bel essor.

La houille fut découverte près d’Aniche en 1778. Son extraction, très modeste, fut organisée jusqu’en 1786, puis cessa durant la période révolutionnaire. La fosse, mise en sommeil, fut appelée « La vieille fosse », puis dédiée à Sainte-Catherine en 1807 au moment où on décida de  reprendre le travail.

Jusqu’à la Révolution, toutes les fosses d’Aniche reçurent le nom d’un saint. J. Leclercq remarque que la fosse Saint-Laurent, ouverte à Aniche en 1781, fut appelée ensuite « La machine à feu » à cause de la machine à vapeur que l’on installa pour assurer l’exhaure ; la panne de cette machine provoqua en 1786 l’inondation et donc l’abandon de toutes les fosses ouvertes. Le Conseil d’administration dut démissionner.

Après une longue période de recherches infructueuses et d’endettement, la Compagnie reprit son essor en 1839 lorsque les prospecteurs atteignirent lé gisement de charbons demi-gras du secteur d’Abscon ; la fosse Renaissance (creusée en 1839 à Somain et fermée en 1862) porte bien son nom! Saint-Louis (1834-1914), Fénélon (1847-1884), Gayant dont le premier puits fut ouvert en 1852, le second en 1907 sous la protection du géant douaisien, Notre Dame (1856-1953), Sainte-Marie (1857), l’Archevêque, inaugurée et bénie avec solennité en 1854 par Mgr Régnier, archevêque de Cambrai, Saint-René… autant de lieux de travail que les administrateurs voulurent marquer du patronage religieux.

Henriette

Mais, à la fin du siècle, leurs successeurs adoptèrent la règle, déjà en vigueur à l’est du Bassin, de dédier les fosses aux plus méritants ou aux plus puissants d’entre eux. La fosse Vuillemin (1891-1955) inaugura la série. Il y eut ensuite Déjardin (1901-1959), De Sessevalle (1901-1970), Delloye (1911 -1971 ), Bernard (1911 -1959), Lemay (1912-1965), Bonnel (1913-1964), Barrois (1927…), le dernier puits ouvert par la Compagnie d’Aniche.

Plus à l’ouest, la Société des mines de Dourges respecta le patronage religieux tout en rendant hommage à Mme Henriette De Clercq, propriétaire du parc où le gisement du Pas-de-Calais fut découvert : ce fut la fosse Henriette à Hénin-Beaumont (1854-1970).

A Lens, le prénom de certains administrateurs permit de laïciser sans grand bouleversement le nom des fosses préalablement dédiées à des saints. La fosse n° 3, Saint-Ame (1859-1960) devint la fosse Amé-Tilloy ; le puit n° 4, Saint-Louis (1861-1961) devint Louis Bigo, en hommage au président du Conseil d’administration et ancien maire de Lille ; la fosse n° 6, Saint-Alfred, se mua en Alfred Descamps ; la fosse n° 7, Saint-Léonard, en Léonard Danel ; la fosse n° 9, Saint-Théodore en Théodore Barrois. Enfin, la fosse Saint-Edouard (1894) devint Edouard Bollaert, l’agent général de la Compagnie duranl toute la seconde moitié du XIXe siècle.

J. Leclercq note que « l’identité entre le nom de la fosse n° 1 et celui de la première cité engendra un usage qui devint bientôt une règle aux mines de Lens où l’on dédia aussi les églises construites au saint patron de l’administrateur qui parrainait la fosse ».

A Marles, la fosse n° 3, Saint-Abel, comporte un puits n° 3 ter par lequel on remontait les schistes, les « terres » dans le langage des mineurs. De ce fait, le trois ter devint le « Tro à terres ».

Un accent colonial

Il faut mentionner aussi les noms d’inspiration patriotique ou coloniale qui ne manquèrent pas dans l’ouest du bassin, tels La Paix de la Compagnie de Vendin-lez-Béthune signalant en 1856 l’issue victorieuse de la guerre de Crimée, Grand-Condé (1857), à Lens, du nom du héros de la bataille qui se déroula sur les lieux mêmes le 20 août 1648.La fosse du Tonkin (1885) à Hénin-Liétard rappelle l’expédition contemporaine en Indochine, de même que les fosses Dahomey (1894) à Montigny-en-Gohelle et Nouméa (1891) apportent, ponctuellement, un accent colonial aux conquêtes minières. La guerre des Boers, en Afrique du Sud, marqua incontestablement l’opinion au début de notre siècle : deux fosses, l’une à Estrée-Blanche (1901), l’autre à Angres (1904) sont associées au Transvaal, cette douloureuse contrée africaine. Ailleurs, dans le Pas-de-Calais, on prit l’habitude d’appeler les fosses par le nom de la commune suivi d’un numéro. Les administrateurs y joignirent bien un patronyme, jusqu’en 1914, mais l’usage ne le conserva pas. Toutes les fosses postérieures à la première guerre reçurent un simple numéro d’ordre.