Fermer » un puits

« Fermer » un puits : ça veut dire quoi?

Ils ont été nombreux à fermer, successivement, tout au long de ces dernières années. Jusqu’au 9 de l’Escarpelle, il y a de cela déjà bientôt deux mois ; ou encore au tout dernier, le 9 de Oignies, dont l’arrêt de la production est fixé, on le sait, au 21 décembre 1990 prochain.

Mais que signifie au juste : « fermer » un puits ? Là où il est donné de découvrir que la clef ne se glisse sous le paillasson qu’après la mise en place de tout un dispositif de mesures visant à la sécurité de tous… Grisou et risques d’éboulements ou d’affaissements obligent.

Le dernier mineur est remonté. La dernière gaillette, symbolique, aussi. La presse s émoustille ; c’est la dernière photo, le dernier visage noirci, la toute dernière émotion qui transparaît sur les dernières «gueules noires»… Tout a l’air terminé. De fait, pour les hommes du fond de la fosse qui va « fermer », une page se tourne, douloureuse, étrange, et sous les casques et les lampes, les esprits gambergent, les souvenirs se bousculent… En réalité, si le puits se vide de ses hommes, il va se séparer aussi dans les semaines qui viennent d’une partie de son matériel avant d’être ensuite «rempli », soit en d’autres termes, bouché… afin de pouvoir effectivement « fermer ». Cela mérite explication…

Deux mois de travaux

Dès les premiers jours qui suivent l’arrêt de la production, deux mois environ de travaux débutent. Il s’agit tout d’abord de placer des barrages solides et étanches au début de chacune des galeries qui partent toutes, à des étages différents, du puits. On ramène ensuite à la surface toutes les tuyauteries ( situées dans l’axe destiné à être bouché en fin de travaux à l’aide de schistes et de béton. De la même façon, câbles et cages sont également remontés afin de laisser place nette et d’assurer la solidité et l’étanchéité de la future coulée de béton.

Il ne reste plus ensuite qu’à effectuer cette coulée, en alternance avec des épaisseurs de schistes, le béton prenant place exclusivement dans l’axe de chacun des départs de galeries, et venant buter à l’entrée de ces dernières contre les barrages posés en début de travaux.

Tout puits de mine traverse dans les 100 premiers mètres de descente une zone de nappe phréatique isolée lors du forage par un cuvelage étanche. Le béton coulé ne monte pas jusqu’à cette épaisseur du terrain. Il y est relayé par d’autres matériaux : de l’argile et des cendres résiduelles de centrales thermiques qui assurent de bonnes conditions d’étanchéité dans une zone fortement susceptible de mouvements. Clôturant la fermeture du puits, une dalle de béton est coulée en surface à son ouverture. Un regard de visite y est installé afin de pouvoir procéder régulièrement à une vérification de l’atmosphère contenue dans l’espace laissé vacant immédiatement sous la plaque bétonnée, et de mesurer la densité des remblais schisteux effectués entre chaque coulée de béton. Selon les risques attenants à telle ou telle fosse, les Houillères procèdent à deux, trois ou quatre visites de ce type par an, en fonction des directives fixées par la Direction Régionale de l’Industrie et de la Recherche (D.R.I.R), Cette surveillance peut parfois durer cinquante ans, en fonction des mouvements de terrain, et des pressions dues aux gaz. Ces dernières sont réduites grâce à la mise en place de tuyaux de décompression des remontées gazeuses.

Histoire d’eau… et de charbon

En tout état de cause, il faut savoir que d’ici une cinquantaine d’années, les derniers pute fermés par les Houillères auront tous les pieds dans l’eau ! En effet, étant donnée la configuration géologique régionale, des infiltrations remontant des dessous des strates houillères sont amenées, dans les prochaines décennies, à inonder totalement l’ensemble des galeries. Ce qui renforce la nécessité des sondages de décompression des gaz… Voilà donc en quoi consiste la fermeture d’un puits. Tous ces travaux seront terminés sur le site du 9 de l’Escarpelle le 26 janvier prochain. Pour ce qui est de la fosse 9 de Oignies, suite à l’arrêt de la production fixé au 21 décembre prochain, il faudra boucher tous les puits du siège 10 oigninois : les fosses 9 et 9 bis, 10, 8 et 8 bis. d’Evin-Malmaison, et 25 d’Estevelles. Ce travail considérable sera terminé fin septembre 91 (deux mois par puits environ).

Quant au 24 d’Estevelles, qui fait aussi partie du même siège, il a déjà été bouché, mais suivant un procédé différent. H s’agit du système dit de «plate-cuve », qui permet de récupérer les gaz résiduels afin de les pomper, et d’en extraire du grisou, riche en énergie : c’est l’activité d’une des fililales de FILIANOR, Méthamine, à Avion.

Et le matériel ?

Autrefois, lors des premières fermetures de puits, les Houillères récupéraient les matériels stationnés au fond afin de les réutiliser dans d’autres sièges. A ce jour, l’extraction minière étant définitivement terminée dans la région, seule une part minime de tous ces outils spécifiques à l’extraction charbonnière est remontée à la surface afin d’être vendue à quelques entreprises du bâtiment et travaux publics susceptibles d’en avoir l’utilité. Sur le site du siège 10 de Oignies, cinquante personnes vont donc travailler à la fermeture effective des 6 puits restant à boucher, à compter du 21 décembre prochain jusqu’à septembre 91. S’ensuivront alors les visites de contrôle qui elles aussi cesseront à une certaine date, jour défini suivant les instructions de la D.R.I.R. Et c’est seulement alors que la clef sera glissée sous le paillasson, tandis que la mine ne sera plus à la fois qu’un proche et lointain souvenir…