La mine de charbon reconvertie dans la géothermie

Alors que le projet de loi relatif au Grenelle de l’environnement vient tout juste d’être voté par l’Assemblée Nationale, les communes minières de France et d’Europe s’engagent de plus en plus sérieusement dans la voie des énergies renouvelables. L’idée : utiliser l’eau des mines ennoyées depuis leur fermeture pour alimenter des centrales géothermiques.

L’énergie géothermique, une seconde vie pour les mines de charbon ? C’est en tout cas ce qu’espèrent les anciennes cités minières, tant pour verdir leur image que pour relancer le développement local. Peu développée en France (elle ne concerne que 1,3% des énergies renouvelables, lesquelles ne représentent que 8,5 % de la production totale), l’exploitation de la chaleur du sol offre pourtant un potentiel énergétique considérable. Et pour cause : la température terrestre augmente de 3°C tous les 100 mètres parcourus en profondeur.

En quoi l’utilisation des anciennes mines de charbon est-elle pertinente ? Elle évite les coûts de forage, qui peuvent s’élever à 150 000 euros tous les 100 mètres, et offre grâce à son labyrinthe de galeries sous-terraines, un réseau de distribution. Certes, de nombreux puits ont été rebouchés à l’arrêt de l’activité (c’est le cas de plus de 86 % des mines de Lorraine), et le potentiel de faisabilité dépend très largement de la configuration des galeries. Il faut également que l’eau ait retrouvé sa température naturelle, ce qui demande parfois vingt ans d’attente après la fermeture de la mine. Enfin, il faut encore que les espaces à alimenter soient les plus proches possibles de la centrale, car la déperdition de chaleur atteint parfois les 2°C par kilomètre d’acheminement.

Mais ces différentes contraintes rebutent de moins en moins les communes françaises concernées. Depuis quelques mois, elles sollicitent les services du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), pour établir des études de faisabilité. Fabrice Boissier, directeur du département géothermie du BRGM, a notamment étudié les sites lorrains pour déterminer un candidat propice à l’installation d’une centrale géothermique. « Nous avons fait l’inventaire des mines existantes. Le site n’est pas encore déterminé, mais cela ne saurait tarder. Restent à traiter les différents problèmes juridiques… Car les mines fermées depuis longtemps dépendent toujours de la législation du Code des mines, ce qui induit des difficultés administratives. La démarche doit donc être concertée, entre les collectivités concernées, l’Ademe et le BRGM. »

Des projets d’aménagement urbains autour de centrales géothermiques

La voie est tracée par les quelques projets pilotes cofinancés par le programme européen Interreg IIIB. Première concrétisation en date, l’ouverture d’une centrale géothermique sur des anciens travaux miniers à Heerlen, aux Pays-Bas, dans le cadre d’un projet de rénovation urbaine. Précurseurs, les Pays Bas ? En réalité, pas tout à fait. La ville de Sprighill, en Nouvelle Ecosse, avait effectivement ouvert une telle centrale en 1988, pour alimenter un parc industriel. Mais dorénavant, l’objectif est d’approvisionner des pôles urbains entiers, composés de centres d’affaires, de zones commerciales et de quartiers résidentiels. D’où l’intérêt porté par les communes minières. Patrice Delattre, délégué général de l’Association des communes minières de France (Acom), et coordinateur de l’Association européenne des communes minières (Euracom) croit fermement au potentiel français. « Il existe des anciens travaux miniers qui contiennent des réservoirs d’eau importants. Surtout dans le Nord Pas-de-Calais, en Lorraine, dans le Tarn, les Bouches du Rhône et en Auvergne. Reste donc à trouver une articulation entre les projets d’aménagement urbain de ces régions et la réhabilitation des bassins miniers ». Il revient par ailleurs sur la nécessité de combiner les différentes sources d’énergie : « la géothermie seule ne suffit pas, il faut lui associer l’éolien et le photovoltaïque. C’est ce qui fait qu’il n’existe pas de concurrence avec les autres énergies renouvelables. »

Pour l’instant, on ne dénombre aucun dispositif opérationnel en France, mais il existe deux projets pilotes : l’un à Freyming Merlebach, en Moselle, et l’autre à Gardanne, près de Marseille. Cette commune des Bouches du Rhône a en effet racheté les deux puits voisins et commandé une étude de faisabilité au BRGM. Claude Durand, directrice de cabinet du maire, précise néanmoins que rien ne garantit l’installation d’une future centrale: « Nous sommes très en amont du projet. Pour l’instant, il s’agit d’évaluer le volume d’eau et sa température, pour décider comment réutiliser cette eau douce, qui jusqu’ici se déverse dans la mer méditerranée.» La France n’en est qu’à ses débuts en la matière. Patrice Delattre regrette d’ailleurs le peu de place accordée à la géothermie dans les projets du Grenelle. « Mais c’est le rôle de l’Acom, d’interpeler les pouvoirs publics et les collectivités, car il y a là un véritable enjeu sectoriel pour les communes minières. Il faut aussi échanger nos expériences avec nos voisins étrangers, ce que nous faisons au sein d’Euracom. »

Source : www.novethic.fr