Le charbon chinois enfume la planète

L’énergie qui alimente la croissance chinoise est majoritairement tirée du charbon. Le souffle noir du dragon chinois affole le globe avec ses lourdes émissions de gaz carbonique. Mais le pays aggrave aussi sa dépendance énergétique à l’égard de fournisseurs étrangers, ce qui pourrait bientôt l’inciter à prendre un virage écologique.

Le nuage brunâtre ne se voyait pas du sol. Mais, à 10 000 mètres du sol, des scientifiques européens pouvaient voir cette masse gigantesque d’ozone, de poussières et de suie à l’œil nu. Ce curieux mélange s’étendait de l’Allemagne à la Méditerranée. Le phénomène est loin de constituer une exception. Les experts européens montés à bord d’un avion pour étudier cette masse ont pu en retracer l’origine : la Chine”, avertit l’hebdomadaire allemand Der Spiegel. Des phénomènes identiques font l’objet d’étude aux Etats-Unis et au Japon. Der Spiegel n’en doute plus, la Chine est aussi un pays champion dans l’exportation de pollutions.

“La Chine est devenue un problème environnemental pour toute la planète. Au départ, ce n’étaient que les économistes qui s’inquiétaient de voir ce pays changer le monde avec ses vêtements, télévisions et machines à laver bon marché. Mais maintenant les climatologues s’alertent de voir la pollution chinoise gagner la planète. La Chine est déjà le deuxième plus grand pays producteur de gaz à effet de serre après les Etats-Unis” pour une population quatre fois plus importante et en pleine conversion aux habitudes de consommation des économies industrialisées.

Le Globe and Mail de Toronto se penche lui aussi sur le cas chinois à l’occasion d’un reportage au cœur de la production chinoise de charbon dans la ville de Linfen, au nord-est du pays. “Il s’agit sans doute de l’endroit le plus pollué de la planète. Les lanternes à l’extérieur des restaurants sont souvent noires de suie. Les voitures doivent rouler avec leurs phares allumés le jour. Plus personne ne porte de vêtements blancs, ils tournent rapidement au gris. L’eau est polluée. Les personnes âgées restent à l’intérieur pour ne pas respirer l’air extérieur. Les enfants ne voient pas les étoiles briller la nuit à cause du smog.”

Car le Globe et le Spiegel partagent le même avis, le charbon est le principal responsable des émissions chinoises : 69 % de l’électricité produite en Chine sont tirés du charbon, la consommation chinoise de ce combustible dépasse celles des Etats-Unis, de l’Union européenne et du Japon réunies. De quoi massivement polluer l’air de la planète et bientôt dépasser les émissions de gaz carbonique du champion en titre, les Etats-Unis.

Et pourtant, la Chine a ratifié le protocole de Kyoto. Mais, en tant que pays émergent, elle ne se voit imposer aucune contrainte pour réduire ses émissions de gaz carbonique. Elle vient aussi de rejeter la création d’un nouvel organe des Nations unies chargé du climat et doté de pouvoirs contraignants comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Jacques Chirac avait lancé un appel en ce sens, le 2 février 2007, après la réunion à Paris des experts du Groupe intergouvernemental et la publication de son rapport confirmant le rôle de l’activité humaine dans le réchauffement climatique. “La Chine estime, avec d’autres pays émergents, qu’elle devrait avoir les mêmes privilèges historiques que ceux dont les pays industrialisés ont profité pour développer leurs économies, même si cela doit se traduire par une augmentation rapide des émissions des gaz causant le réchauffement climatique”, rappelle le Globe and Mail.

Un changement pourrait bientôt intervenir dans les habitudes chinoises, annonce l’écologiste Isabelle Chevalley dans une opinion parue dans les pages du quotidien suisse Le Temps. Le charbon chinois ne suffit déjà plus à combler ses besoins énergétiques et, “il y a dix ans encore, la Chine subvenait à ses propres besoins en pétrole, alors qu’elle doit aujourd’hui importer 40 % de sa consommation ; elle est devenue le deuxième consommateur de pétrole du monde après les Etats-Unis. La Chine n’aime pas être dépendante de l’étranger. Dès lors, elle fera tout pour assurer son approvisionnement en investissant non seulement dans les énergies renouvelables, mais également dans les économies d’énergie.”

Marc-Olivier Bherer