Les coqueleux du Nord

LES COQS DE COMBATS, TRADITION DE FLANDRE

L’observation des coqs sauvages qui subsistent en Asie Méridionale montre que les coqs vivent seuls mâles parmi des groupes de quelques poules. Ces coqs ne tolèrent aucun concurrent sur leur territoire et si l’un d’eux s’y aventure, il s’en suit immanquablement un combat mortel. L’intrus vient avec l’intention de supplanter le mâle en place il vient donc pour se battre. Le coq agressé sait que son adversaire s’il était mis en fuite reviendrait plus tard, aussi lorsqu’un combat s’engage il ne se termine jamais avant la mort. Cette agressivité du coq s’explique notamment par le fait que contrairement à beaucoup d’animaux les accouplements de ces volailles ont lieu toute l’année, sans période de repos. Une autre caractéristique de ces coqs, est l’intelligence et le sens tactique dont ils font preuve dans les combats.

Ces coqs dits de Bankiva sont les ancêtres directs de nos coqs de combats qui ont gardé intacts leurs instincts d’animaux sauvages là où nos coqs de basse cour ont été dénaturés par l’homme et pour leur usage.


Combat de coqs en Flandre ( 1889 )
Rémy Cogghe
Du peintre Rémy Cogghe à l’écrivain Maxence Van der Meersch, les combats de coqs inspirent les artistes.

Nul n’est donc besoin pour les coqueleux (ou coqueleurs) d’entraîner leurs coqs au combat ni de les exciter contre leurs adversaires. Le coq se rue tout naturellement et inévitablement sur ses congénères, c’est sans doute ce qui explique l’universalité des combats de coqs que l’on retrouve quasiment à toute époque et en tous lieux. On affirme souvent que les combats de coq sont arrivés dans notre région avec l’occupation romaine. Pourtant César lui même écrivit dans ses commentaires qu’il y avait en Angleterre comme en Gaule Belgique (c’est à dire chez nous) des coqs avant la conquête romaine, il précise que ces peuples «  les élèvent pour leur plaisir car ils ne les mangent pas ». On y a découvert également des restes de coqs aux ergots très développés.

Peut-être n’avons nous donc pas attendu la venue des Romains pour organiser des combats de coq mais il est sûr qu’ils ont développé, encouragé, pourrait-on dire, la pratique de ce loisir. Ce sont eux également qui ont diffusé l’ergot artificiel métallique. Les combats de coqs ont depuis cette époque lointaine connus un succès ininterrompu et même grandissant jusqu’au XIXème siècle. La facilité avec laquelle un tel combat s’organise, le coût minime d’un élevage expliquent la popularité de ce loisir dans les campagnes. Au XIXème siècle cependant les villages commencent à se dépeupler, les paysans quittent leurs champs pour les usines et les anciennes distractions disparaissent. L’Europe entière voit la disparition progressive des combats de coqs aidée au milieu du XIXème siècle par des lois interdisant ces joutes dans tous les grands pays coqueleurs ; c’est vrai pour la Grande Bretagne comme pour les Pays Bas, la Belgique et aussi la France. En 1850 la loi Grammont interdit les combats de coqs, de fait ils n’étaient plus guère pratiqués qu’en Flandre et ils continuerons à être pratiqués clandestinement pendant plus d’un siècle. La justice locale restera durant toute cette période fort tolérante envers les milliers de coqueleux qui maintinrent la tradition dans notre province. Une loi du 19 novembre 1963 durcit cependant encore l’interdiction des combats, elle provoque une telle mobilisation des Nordistes que le parlement rétablit le 8 juillet 1964 l’autorisation de pratiquer les combats dans les lieux à tradition locale ininterrompue. Le Général De Gaule lui même Nordiste aurait pris parti : « puisque l’on mange des coqs, il faut bien qu’ils meurent d’une façon ou d’une autre ». La loi demeure cependant très restrictive car elle interdit toute création de nouveaux gallodrome et même d’une certaine manière le remplacement d’un gallodrome qui viendrait à fermer.

Aujourd’hui donc les combats ne sont autorisés qu’en Flandre, dans la région lilloise et régions voisines.

En Europe, la Flandre n’est accompagnée que de l’Écosse et de l’Andalousie considérée souvent comme capitale mondiale des coqueleurs.

Dans le reste du monde cependant on trouve des foyers actifs de combats de coq tels que l’Asie du Sud Est, l’Amérique du Sud, le Sud des États Unis, ou les Antilles (comme en Flandre les combats n’ont jamais cessé en Guadeloupe et en Martinique malgré les interdictions officielles) !

Dans certaines régions à grandes traditions de combats ceux ci se poursuivent clandestinement ainsi en Angleterre, en Belgique ou Pays Bas. Les coqueleux de Flandre sont d’ailleurs renforcés par de nombreux amateurs de Flandre belge qui viennent pratiquer leur loisir favori en France. On «  joue des coqs » plus ou moins officiellement dans 27 pays du monde.

En France, la loi ne l’autorise que dans les localités où la tradition est ininterrompue, c’est-à-dire dans une vingtaine de gallodromes des départements du Nord et du Pas-de-Calais,

   De nombreux artistes ont été inspirés par les combats de coqs , parmi eux le peintre roubaisien Rémy Cogghe qui réalise en 1889 son œuvre fondamentale  « Combat de coqs en flandre » .

Près d’un demi – siècle plus tard , le grand écrivain Maxence Van der Meersch relate dans un chapitre de son roman  « L’Empreinte du dieu » – qui fut par la suite adapté au cinéma – une scène d’anthologie d’un combat de coqs .

Ce roman – Prix Goncourt 1936 – raconte le récit dramatique de Karelina, une paysanne jolie et timide. Mariée de force à un homme brutal, elle subit ses humeurs et ses humiliations.

Quand son bourreau se retrouve en prison, elle s’enfuit, se réfugiant chez son oncle , écrivain célèbre. Son épouse, accueille avec attachement la jeune femme, la considérant comme sa propre fille.

Les deux femmes ignorent alors qu’elles viennent de sceller leurs destins.

En1889, le peintre roubaisien Rémy Cogghe (1854-1935) peint l’un de ses tableaux majeurs, primé lors du Salon des artistes français, aujourd’hui exposé au musée La Piscine à Roubaix.

Le combat de coqs en Flandre nous montre le public où bourgeois et ouvriers se côtoient autour de l’arène d’un gallodrome – pour la plupart, des amis peints avec un souci de réalisme étonnant – et qui sont les témoins de la fureur d’un combat sans merci qui se soldera par la mort du vaincu.

L’artiste qui apprivoise avec talent la technique du portrait aime les reproduire dans ses scènes anecdotiques et principalement dans cette œuvre, où il est possible d’isoler chaque personnage tant les détails sont précis et d’une vérité saisissante.

Cogghe a réalisé de nombreuses esquisses et croquis avant d’en arriver à ce tableau étonnant, peint en hauteur et de grande dimension , laissant penser que les acteurs sont représentés en taille réelle.

L’aspect général de l’œuvre est globalement assez sombre, à l’exception du premier plan qui, lui, est éclairé de manière plus généreuse, le reste l’étant en dégradé, notamment l’arrière-plan où l’on voit des personnages juchés sur un balcon , certains appuyés sur la rambarde.

Au cœur du tableau, au milieu du public, le regard est capté par la main d’un personnage, presque anonyme, qu’il tend vers le haut : il ne faut pas oublier que les combats donnent lieu à des paris, ce que l’artiste n’omet pas de montrer.

Musée La Piscine, musée d’art et d’industrie André-Diligent

23, rue de l’Espérance, Roubaix.

Quelques règles •

un concours se fait en présence d’un chronométreur officiel, de 2 juges et d’un arbitre suprême. • durée d’un combat est fixée à 6 ou 8 minutes. • il est strictement défendu d’enduire le coq et les armes d’un produit quelconque. • tout coq déposé au parc doit être considéré comme battant ; si l’un d’eux refuse le combat, l’armeur aura perdu le combat mais les paris sont nuls. • un coq mis au parc et tombant mort avant le combat, sera considéré comme non battant. • si un coq déposé venait à s’envoler hors du parc ou sur les côtés, il sera repris par l’armeur et remis au parc. À la troisième fois, il sera considéré comme refusant le combat et aura perdu la partie. • un coq couché 3 minutes a perdu. • le dernier coq debout est considéré comme le gagnant. Pour qu’un coq puisse être considéré comme debout, il faut qu’il soit complètement et manifestement droit sur les pattes.

Standard : le corps du coq

• Corps : arrondi, large, port relevé.

• Cou : assez long, un peu arqué, très

fort à sa jonction avec le corps,

camail fourni recouvrant les

épaules.

• Dos : très incliné, large aux épaules,

plus étroit à la selle, assez court.

• Epaules : larges.

• Ailes : bien serrées au corps.

• Selle : bien fournie avec

nombreuses lancettes.

• Queue : large, arquée, bien fermée

et relevée, garnie de longues

faucilles.

• Poitrine : large, bien développée.

• Abdomen : peu développé

Comment expliquer le maintien de la tradition en Flandre ? L’histoire nous révèle que depuis bien longtemps ce loisir se pratiquait dans nos provinces, de nombreux peintres flamands ont immortalisé ces scènes de combats de coqs, ce qui est fort rare par ailleurs, ils montrent la popularité de ces joutes qui à peut être encore été développée ou du moins favorisée par les souverains espagnols aux XVIème et XVIIème siècle. L’Espagne était le pays de prédilection des combats de coqs.

Le goût des Flamands pour la fête et l’intense vie communautaire qui se traduisent par la multiplicité des sociétés (tir à l’arc, fanfares, boules, coulonneux…) ont contribué à maintenir bien des traditions dont les combats de coqs.

Enfin en Flandre la campagne a toujours été très imbriquée à la ville et l’ouvrier des usines ou le mineur est resté proche de la terre, le coqueleur campagnard a émigré avec ses coqs en ville.

Le goût pour la fête collective a développé en Flandre une originalité qui est celle d’un grand mélange des classes sociales, ouvriers ou bourgeois se retrouvent ensemble pour pratiquer leurs loisirs favoris. Aujourd’hui les coqueleurs du Nord sont agriculteurs, ouvriers, artisans ou commerçants mêlés de cadres et autres professions libérales. Ce large éventail d’amateur a sûrement aussi contribué à la pérennité de la tradition puisqu’elle touche un large échantillon de notre population qui sait se motiver quand c’est nécessaire. Ainsi en 1963 quand l’interdiction définitive des combats fut décidée, 100 000 personnes de la région prirent symboliquement une carte d’adhèrent à la fédération des coqueleurs, par solidarité.

Le combat de coqs

Un dimanche, je me trouve chez mon oncle qui tient un café sur la place de Wingles. Un combat de coqs doit avoir lieu…

Un homme arrive, portant sur le dos un sac percé au centre d’une « œillette » (trou dans  le  sac  pour  permettre la  respiration  du  coq).

Je suis intriguée. Bientôt, le monsieur dénoue son sac et sort un beau coq au plumage brillant et multicolore ; ses pattes sont liées. Il ôte de sa poche une boîte qui contient du coton hydrophile, de la ficelle et de petits éperons qu’il ajuste aux pattes de la bête. Ensuite, il lui fait boire un petit verre de genièvre. Plusieurs « coqueleux » arrivent, agissent de la même façon avec les coqs qu’ils apportent. Dans la cour, un parc est installé.

Deux coqs y sont placés, l’un en face de l’autre. Ils se regardent un moment, l’œil chargé de haine. Tout à coup, le rouge se jette sur le marron. Une bataille acharnée commence. Des cris, du sang qui coule, des plumes arrachées. Quelle horreur !

Les hommes encouragent les bêtes et poussent des cris de triomphe ou de défaite. Quelques-uns parient pour la victoire d’un combattant.

Au bout de vingt minutes, les deux bêtes, essoufflées, tiennent à peine sur leurs pattes, mais aucune n’est morte. La partie est nulle et l’on engage d’autres coqs.

Moi, écœurée, je me sauve !

Que ces combats sont cruels ! Plus jamais je n’y assisterai ! Comment peut-on se passionner pour ces luttes barbares !

BERNADETTE LOHEZ (13 ans),

Ecole   de   la   rue   Salengro,   Meurchin.