PLANTATION ET ENGAZONNEMENT DES TERRILS MINIERS

Le Ministère de la Protection de la nature et de l’environnement, en lançant en 1971 son programme des «cent mesures », y a inscrit le reboisement des terrils miniers . En effet, si d’autres pays, tels les U .S .A ., la Grande-Bretagne, la République fédérale allemande ou la Belgique, ont entrepris depuis longtemps de prendre des mesures pour réhabiliter leurs paysages après les extractions minières, notre pays n’a pas fait le même effort : la quasi-nudité de près des 200 terrils du Nord – Pas-de-Calais, par exemple, risque de faire croire que leur plantation est très difficile, sinon impossible . Les quelques pages qui suivent ont pour objet de préciser quelles sont les difficultés qu’on est susceptible en effet de rencontrer, et de montrer qu’elles sont loin d’être insurmontables.

LA VÉGÉTATION NATURELLE SUR LES TERRILS

C’est un fait d’observation courante que des terrils miniers abandonnés depuis d’assez nombreuses années se couvrent peu à peu de végétation. Comme sur tout « sol brut », c’est-à dire constitué d’une roche n’ayant pas encore évolué sous l’effet de facteurs physico-chimiques

ou biotiques, la vie appose progressivement son empreinte, selon des processus compliqués qui transforment le substrat, sur l’épaisseur de quelques centimètres à quelques dizaines de centimètres, de l’état de stérilité biologique à celui de constituant actif de la biosphère.

Sous nos climats et sur beaucoup de nos sols, l’aboutissement normal d’un tel processus,

sans intervention humaine, est la forêt . On pourrait donc considérer qu’il est inutile de s’occuper de la remise en végétation des terrils si celle-ci peut se faire toute seule, ce qui est effectivement le cas, et qu’il vaudrait mieux laisser faire la nature ; malheureusement la nature a tout son temps, qui n’est pas toujours à l’échelle du nôtre, et le reboisement naturel des terrils peut demander très longtemps : 70 à 80 ans en moyenne, parfois plus .Dans les cas les plus favorables, qui sont ceux de terrils situés en forêt, ou mieux, en lisière, et bien exposés, on peut obtenir un couvert à peu près complet en une cinquantaine d’années . Chez des terrils plus jeunes, même en position exceptionnellement favorable, la végétation se présente toujours en mosaïque : arbres ou arbustes ici, plantes herbacées ailleurs, surface nue plus loin. Les arbres et même la pelouse ne gagnent que lentement du terrain dans les « trous ».

Ainsi, pour obtenir un résultat, il faudrait attendre une génération d’hommes dans les meilleures conditions, mais ce sera généralement deux à trois générations qui seront nécessaires. Il est donc justifié d’essayer d’aller plus vite, d’accélérer la nature, après avoir recherché d’une part quels facteurs gênent l’établissement de la végétation, d’autre part quelle végétation naturelle s’installe sur les terrils de façon préférentielle.

Les facteurs physiques défavorables à la végétation

Un certain nombre de facteurs se liguent en effet pour gêner l’installation de la végétation sur les terrils. Tout d’abord un terril jeune n’est pas stable. Soit sous l’effet de l’érosion pluviale, soit sous l’effet de la reptation de la couche superficielle (en cas de pente trop forte et d’un manque de tassement des matériaux), le terrain qui sert de substrat aux plantes est mouvant, et celles-ci se trouvent soit recouvertes, soit déchaussées. Ce facteur est probablement le plus important .Ensuite un terril est sec, pour plusieurs raisons : la pente favorise un écoulement rapide des eaux pluviales ; la granulométrie très grossière des matériaux qui le constituent le rend très perméable (dans la région du Nord – Pas-de-Calais, il s’agit le plus souvent de schistes et cette perméabilité s’atténue à mesure que ces schistes sont délités et se transforment en argile) ; sa couleur souvent sombre favorise l’échauffement du sol, et l’évaporation due au vent y est forte du fait qu’il présente une grande surface relativement à son volume. Le vent a d’ailleurs, outre son action desséchante, une action mécanique qui gêne beaucoup la végétation, et qui interdit pratiquement tout succès d’une plantation au sommet des grands terrils coniques. En outre, un terril peut brûler : la chaleur dégagée (seules quelques espèces résistent à des températures supérieures à 30 °C) et les émanations éventuelles de gaz toxiques s’opposent à la colonisation végétale. Enfin, le terril peut être pauvre. Il ne s’agit d’ailleurs pas là, contrairement à une opinion répandue, d’un facteur déterminant : ces roches remontées des profondeurs ne sont en effet pas plus pauvres chimiquement que celles qui constituent le sous-sol généralement exploré par les racines des arbres, ainsi que l’ont montré des analyses effectuées par l’Institut national de la recherche agronomique (Station agronomique d’Arras) en 1971.

Facteurs biotiques et végétation sur les terrils

Le terme de «stériles» utilisé par les mineurs pour désigner ces roches qui leur sont inutiles n’implique donc nullement une extrême pauvreté en éléments chimiques utilisables par les racines des plantes, mais il traduit bien leur état biologique : au moment de leur dépôt, les matériaux constitutifs d’un terril se trouvent en effet à peu près biologiquement stériles.

Or les arbres ne peuvent se développer convenablement que si leurs racines trouvent dans le sol certains champignons appelés mycorhizes, qui vivent en symbiose (2) avec eux. Ces mycorhizes sont présentes à peu près partout dans la nature et plus spécialement en forêt, ce qui explique qu’en général les arbres croissent normalement, du moins sur ce plan. Dans un milieu neuf comme le terril, par contre, elles ne sont pas présentes au départ, On peut donc dire avec certitude que les graines apportées par le vent ou les animaux ont peu de chances de donner des arbres normaux sur les terrils, et que l’idée de reboiser ceux-ci artificiellement à l’aide de graines se heurte au même obstacle. Par contre les mycorhizes peuvent être apportées sur le terril, et l’idée la plus simple consiste à y planter de jeunes arbres sains et élevés en pépinière, où les mycorhizes adéquats sont bien entendu présents. Il faut signaler d’ailleurs,

au passage, qu’il est illusoire d’espérer supprimer les symptômes de carences mycorhiziques par une fertilisation chimique. En fait, on a trouvé des mycorhizes sur des terrils e naturels», probablement transportés par le vent et arrivés là par hasard . Cependant, rien n’indique que le champignon optimal de chaque essence s’y trouve présent. D’autres facteurs biotiques interviennent, en particulier la prédation : les terrils peuvent être le refuge de nombreux rongeurs (campagnols, mulots et surtout léporidés) qui contrarient fortement l’installation de la végétation. Des essais d’engazonnement, menés à l’automne 1971 sur deux terrils du Nord – Pas-de-Calais, ont connu un échec complet, entièrement rasés par les lapins. L’installation de clôtures grillagées pour protéger plantations ou engazonnements peut être considérée comme indispensable dans tous les cas où on a constaté la présence du lapin, car cet animal néfaste est spécialement attiré par les nouveautés insolites qu’il repère sur son territoire.

Flore et végétation des terrils

Du fait de ces conditions défavorables à la colonisation végétale, les espèces qui s’installent

sur les terrils ne sont pas des e spécialistes », susceptibles de résister à la concurrence d’autres espèces, mais au contraire des plantes à large amplitude écologique, des e ubiquistes» à dissémination facile : les caractéristiques de la première végétation des terrils sont donc la facilité de dissémination et la facilité d’adaptation. En premier lieu viennent donc s’installer les plantes à graines légères aisément transportées par le vent : composées et graminées pour les plantes herbacées, bouleau pour les arbres. Cette dernière espèce est sans conteste l’espèce dominante, car outre la légèreté de ses graines, elle pousse très bien sur les sols relativement pauvres et acides de certains terrils. Viennent également s’installer des saules et surtout des fruitiers, dont les graines sont transportées par les oiseaux, le sureau, l’aubépine, la ronce, l’églantier, le sorbier, le merisier, etc. Le chêne s’implante également sans trop de difficultés. De fait, la flore d’un terril, est en général une sélection des espèces de son voisinage qui met en évidence parmi celles dont les graines sont facilement transportées par le vent ou les oiseaux, celles qui s’adaptent le mieux aux conditions qui y règnent, ce qui est précieux pour le reboiseur. Des considérations qui précèdent sur les conditions naturelles régnant sur les terrils, on a pu tirer un certain nombre de conclusions relatives à leur mise en végétation :

– la colonisation naturelle existe, mais elle est lente ;

– les obstacles essentiels pour la végétation sont l’instabilité de la couche superficielle et sa stérilité biologique ;

– la plantation d’arbres apporte dans le sol les mycorhizes nécessaires à leur développement.

Les problèmes qui se posent sont donc bien clairs : peut-on stabiliser la couche superficielle des terrils, et comment? Cela fait, quels arbres planter, et comment ?

PRÉPARATION DU SOL ET ENGAZONNEMENT

La principale cause d’échec des plantations, sur les terrils jeunes, parait être l’instabilité du

sol . La plantation elle-même, même dense et effectuée avec des essences bien adaptées comme le robinier, peut difficilement pallier cet inconvénient. On a donc essayé, en particulier dans la Ruhr, de procéder à une stabilisation du sol par engazonnement et fixation par produits chimiques, au moment de la plantation.

Stabilisation des couches superficielles

Les deux causes de dégradation de la couche de surface sont la reptation et l’érosion. La lutte contre ces phénomènes est indispensable si l’on désire réhabiliter des terrils jeunes, mais des terrils abandonnés depuis dix à vingt ans sont en général pratiquement stabilisés.

La création de terrasses, procédé fréquemment employé dans les pays méditerranéens ou tropicaux, même sur des pentes faibles, est adaptée à des sols à structure très défavorable et

à des régions à précipitations violentes . C’est un procédé coûteux. Il n’est pas justifié en général, dans nos régions, de créer des terrasses sur un terril existant (sauf peut-être en région méditerranéenne) ; il serait par contre avisé, au moment de l’édification des terrils, d’y prévoir des terrasses suffisamment rapprochées et de limiter les pentes à 30° pour diminuer au maximum les effets de la reptation et de l’érosion, ainsi qu’on le fait couramment dans la Ruhr. Sur un terril conique classique, la création de petites banquettes de 60 à 70 cm de large, espacées d’environ 2 m, serait beaucoup moins coûteuse que la création de terrasses, et probablement aussi efficace. Il ne semble pas que cette méthode ait encore été expérimentée. De toutes façons, terrasses ou banquettes, pour être efficaces, doivent être associées à un engazonnement ou à une plantation qui consolident les mouvements de terrains artificiellement créés.

L’engazonnement, moyen de stabilisation du sol

Un engazonnement, réalisé avec des espèces bien choisies, peut avoir en effet une action bénéfique sur les mouvements du sol : l’enracinement très traçant et la reproduction végétative vigoureuse de certaines graminées (chiendent, dactyle, etc .) finissent par créer un réseau dense, ou feutrage de racines, qui emprisonne les divers éléments du sol et ralentit considérablement la reptation. De jeunes arbres, forcément plantés moins serrés, sont beaucoup plus facilement déchaussés ou recouverts qu’une masse de graminées.

D’autre part une telle végétation couvre beaucoup mieux le sol que de très jeunes arbres forcément un peu espacés, le protégeant ainsi de façon plus efficace contre l’impact direct des gouttes d’eau. Le feutrage des racines, mêlé au sol, forme une sorte d’éponge qui retient l’eau,

ce qui diminue le ruissellement et maintient l’eau à la disposition des plantes. Il faut noter en outre que l’engazonnement a d’autres effets : la masse des racines représente par exemple un stock important de matière organique incorporée au sol, et dont la minéralisation est un maillon important de l’activité biologique de ce sol. En outre, les légumineuses (trèfle, sainfoin, luzerne . . .) ont la caractéristique d’enrichir le sol en azote, grâce aux nodosités de leurs racines. Enfin, le sol se trouve ameubli sous l’effet de la pénétration des racines.

L’engazonnement permet ainsi non seulement de lutter contre les mouvements superficiels

du sol, mais aussi de restaurer à la fois la vie du sol et sa structure, ce qui le rend plus apte

à recevoir ultérieurement d’autres plantes et en particulier des arbres.

Quelques techniques d’engazonnement

Outre l’ensemencement à la main (« à la volée »), tout à fait praticable sur certains terrils accessibles, et l’ensemencement au semoir, qui nécessite un sol de peu de relief et bien préparé, on peut décrire succinctement les procédés actuels de semis à la machine, utilisés surtout sur les talus d’autoroute :

– l’ensemencement par aspersion consiste à pulvériser un mélange d’eau, de matière nutritives et de liants sur la zone à ensemencer, à partir d’une sorte de «canon» ou d’une «lance d’incendie» qui peut projeter le mélange à plusieurs dizaines de mètres. Divers procédés existent, caractérisés par la nature et la quantité des matières nutritives et des liants utilisés. Les matières nutritives peuvent être des engrais minéraux ou organiques, des boues de curage, de la tourbe etc . Quant aux liants, ils sont le plus souvent à base de bitumes, de cellulose ou d’alginate de sodium. Des produits comme le Curasol, l’Agrosil et l’Hygromull par exemple, ont donné de bons résultats lors de la fixation de dunes . Ils permettent de fixer le sol sans empêcher la germination et tout en formant une bonne matière absorbante.

– l’ensemencement avec mulching (couche de paille hachée) . C’est une variante du précédent qui consiste à mettre en place une couche de paille hachée de 8 à 12 cm avant

d’y projeter le mélange de semences, d’engrais et de liants . La couche de paille a plusieurs avantages : elle protège le semis du vent, des oiseaux et des températures extrêmes, elle prévient l’érosion en captant l’eau des précipitations, elle constitue un véritable « nid » de microorganismes et d’insectes qui bénéficient là d’un environnement douillet et idéal pour leur développement. Le procédé a l’avantage de consommer peu d’eau, il est adapté aux opérations manuelles et peut être mis en oeuvre en été.

– L’ensemencement Wego (ou ensemencement « par voie sèche ») est un procédé inventé en Suède et consistant à projeter le mélange de graines et d’engrais grâce à un jet d’air comprimé. Le liant et la paille éventuellement nécessaires sont appliqués lors d’une deuxième opération.

Choix des espèces

Les espèces choisies pour ensemencer un terril doivent donc avoir quatre qualités :

– être adaptées à la nature du sol du terril (pH, porosité, etc .) ;

– assurer la fixation du sol grâce à un important système radiculaire ;

– former très rapidement un tapis complet ;

– former une couche d’humus le plus rapidement possible.

Le choix des espèces dépend étroitement des conditions locales, on le voit. C’est pourquoi on ne saurait donner d’indications générales. On cherchera le plus souvent à réaliser un mélange

de légumineuses (trèfles et luzernes par exemple) et de graminées (ray-grass, dactyle, fétuques, agrostis, paturins, canche, phléole, chiendent, etc .). Mais l’engazonnement ne doit pas apparaître comme la panacée, car il n’est utile et efficace que dans un pourcentage limité de cas : il est inutile lorsque le terril est déjà stabilisé, et il semble se maintenir difficilement, sur pente forte, plus de quelques années. Il ne doit donc apparaître, dans ces conditions, que comme un éventuel stade intermédiaire, fixant très provisoirement le sol au moment d’une plantation, sachant que les arbres prendront ensuite le relais si c’est nécessaire . Son coût risque par ailleurs d’être relativement élevé (5 000 à 15 000 F/ha) par rapport à la plantation proprement dite, compte tenu de son caractère transitoire. II nécessite de plus soit des engins très puissants (les terrils du Bassin du Nord – Pas-de-Calais mesurent souvent plusieurs dizaines de mètres de haut), soit un aménagement des accès onéreux pour permettre l’approche des engins.

LA PLANTATION SUR TERRILS

La lenteur de la colonisation naturelle sur les terrils a donné à penser à leurs premiers reboiseurs qu’ils étaient presque stériles et que la plantation demanderait des précautions spéciales pour réussir :

• Ainsi la première idée qui vient à l’esprit est de creuser un trou qu’on remplit de terre végétale et dans lequel on plante le jeune arbre . C’est un procédé qui assure en effet une bonne reprise au départ, mais le développement cesse lorsque les racines arrivent au contact du sol brut, et l’arbre végète ou dépérit au bout de quelques années. Ce procédé n’est plus guère utilisé.

• Aussi a-t-on pensé à élever les jeunes plants dans des conditions aussi dures que celles qu’ils trouveront sur le terril, par exemple dans des pots à tourbe. Il s’agit d’un procédé assez coûteux, dont les résultats n’ont pas été probants non plus, car les racines s’enroulent

à l’intérieur du pot et n’en sortent qu’avec difficulté . Cet inconvénient peut être pallié par l’utilisation de pots à tourbe percés de trous, qui permettent aux racines de passer, mais la méthode est toujours onéreuse.

• On est donc revenu à l’idée de plants élevés de façon normale, qui ont un système radiculaire vigoureux et bien équilibré, ce qui est une condition essentielle de la réussite. On les plante alors dans un trou que l’on remplit, au lieu de terre végétale, de tourbe saturée d’eau, qu’on peut d’ailleurs mélanger en partie avec le sol du terril. La méthode parait avoir donné toute satisfaction tant en Grande-Bretagne qu’en Allemagne, où les terrils sont souvent très acides, mais elle est encore coûteuse.

• C’est en Grande-Bretagne qu’on a alors essayé de planter selon les méthodes forestières traditionnelles, au plantoir (ou en fente) dans les sols meubles, à la bêche ou au potet dans les sols plus durs, sans aucun apport d’aucune sorte . Les résultats, pour un coût très inférieur, n’en sont ni plus ni moins satisfaisants qu’avec la méthode précédente.

• On peut signaler enfin les essais effectués dans le Bassin de la Ruhr pour associer engazonnement et plantation par divers procédés et sur plusieurs types de couverture du sol apportés au moment de l’édification du terril : les meilleurs résultats sont obtenus sur une couche de 10 cm de terre végétale (5 cm étant insuffisants) ou de 5 cm de gadoues. Les autres procédés (avec mulch, avec ensemencement ou sans apport du tout) ont échoué, mais il faut préciser qu’il s’agissait d’une expérience sur un terril particulièrement acide, à pH voisin de 2,8. En conclusion, on peut se montrer d’un optimisme raisonnable quant aux possibilités de plantation sur terrils. Dans les cas normaux, en sites non extrêmes, une plantation ordinaire doit suffire à assurer la couverture végétale du terril, et ce n’est que dans des cas limites qu’il faut envisager des procédés spéciaux, à étudier chaque fois en fonction des conditions du milieu. Mais bien entendu, il ne faut pas planter n’importe quoi, et le choix de l’essence est d’une importance primordiale.

Choix des essences

Les conditions qui règnent sur le terril doivent être connues avant qu’on ne procède au choix des  espèces à planter : un certain nombre d’analyses nous renseigneront sur le pH,

le potentiel d’oxydo-réduction, la richesse en cations échangeables, la porosité et les conditions hydrologiques de la partie superficielle du terril, l’état de minéralisation éventuel des matières organiques, etc ., et c’est au vu de ces résultats qu’on pourra choisir entre différentes essences. Il est vraisemblable qu’en général, ces analyses donneront une image en forme de mosaïque, car les conditions de milieu peuvent être très variables sur un même terril. La solution consiste dans ce cas à effectuer un panachage d’essences, ce qui répartit les risques.

Deux cas peuvent se présenter : lorsque les conditions sont encore très rudes (terril nouvellement établi, pentes très raides), il faut établir une forêt de type « pionnier », c’est-à-dire constituée d’essences à très large amplitude écologique et supportant le découvert complet. Les essences de base utilisées en général sont des aulnes, des robiniers et des bouleaux, en proportions diverses suivant l’exposition. Lorsque le milieu est déjà bien transformé (c’est le cas des terrils en partie reverdis naturellement), on peut tenter d’établir une forêt « définitive » par la plantation d’espèces plus exigeantes, mais toujours adaptées au terrain : il n’y a en principe pas d’autres limites à la liste des essences à planter que celles résultant des conditions du terril lui-même, qui ne sont parfois pas plus dures que celles des champs voisins. On a essayé, spécialement en Belgique, en Grande-Bretagne et en Allemagne, un très grand nombre d’espèces autochtones ou introduites, et beaucoup ont prospéré. Le champ des expériences à tenter est ici très vaste, et il est tout à fait regrettable que notre pays soit le dernier des pays d’Europe à cet égard.

Dimension des plants et densité de plantation

Les avis restent divergents sur ces deux éléments, qui peuvent conditionner la réussite de la plantation : en Allemagne, on préconise l’utilisation des plants forts de 0,50 à 1,50 m, plantés très serrés (à des écartements égaux ou inférieurs à 1 m x 1 m) . En Grande-Bretagne et aux

U .S .A ., on utilise par contre des plants forestiers normaux à écartement normal (de l’ordre de 3 000 à 5 000 plants à l’ha). Il semble que l’opposition entre les deux techniques provienne du fait que les conditions sont assez différentes entre ces pays ; en particulier, les terrils britanniques sont assez souvent plats, et les conditions de climat diffèrent. La solution allemande, beaucoup plus chère, a l’avantage de couvrir le sol beaucoup plus rapidement.

La résistance au vent est à peu près la même dans les deux cas, car les plants forts, plus sensibles car ils offrent plus de prise, sont plantés assez serrés pour résister.

– Conduite des peuplements

La plantation n’est qu’un aspect du reverdissement du terril et ne peut en aucun cas être considérée comme un acte unique et définitif : une sylviculture adaptée doit lui être appliquée.

Au départ, l’entretien peut se borner à protéger les plants contre les lapins (si c’est nécessaire) et à remplacer les pertes : l’expérience montre en effet que les trouées non regarnies vont en s’élargissant. Mais il n’y a pas, comme dans les plantations forestières traditionnelles, de problème de lutte contre une végétation adventice, ce qui est appréciable. Ultérieurement, le traitement sylvicole consistera à éclaircir le peuplement avec prudence, et, si possible, à établir un sous étage d’espèces buissonnantes qui protégera les troncs des arbres contre les effets du vent. Enfin, si la végétation installée est une forêt pionnière, il faudra envisager son remplacement par une forêt définitive au bout de 30 à 40 ans, durée de vie vraisemblablement maximale pour une première végétation. La forêt de deuxième génération pourra alors être plantée sous la protection du sous-étage.

Coût de la plantation

En l’absence d’expériences suffisantes tentées en territoire français, il est très délicat d’estimer le coût d’une plantation, qui est en outre fonction des essences choisies, de la densité et de la dimension des plants, ainsi que des difficultés éventuelles entraînées par la pente ou la nécessité de lutter contre l’érosion et la reptation. La plantation proprement dite peut alors coûter de 5 000 à 25 000 F/ha, si l’on n’emploie pas de procédés spéciaux (en particulier apports de terre végétale, de tourbe ou de gadoues), ce qui représente un mode d’occupation du sol vraiment peu onéreux surtout si l’on songe à l’agrément qu’il peut apporter aux habitants du voisinage.

CONCLUSION : FAUT-IL PLANTER LES TERRILS ?

Le point de vue du paysagiste

Le terril apparaît bien souvent comme une insulte au paysage, une véritable verrue sur la peau de la terre, un immense tas de déchets. Il est de fait que par sa forme peu naturelle, sa nudité et sa couleur sombre, il offense le regard de qui n’est pas accoutumé à sa présence et réclame impérieusement un habillage qu’on imagine volontiers de verdure . Le phénomène est encore plus accentué dans notre pays, où la plupart des terrils sont coniques alors qu’on les a souvent fait plats ailleurs. Il apparaît cependant que planter un terril conique ne serait pas une bonne méthode pour le faire oublier, au contraire : en particulier, dans le Bassin du Nord – Pas-de-Calais, où les arbres ne sont pas nombreux, la plantation augmenterait encore l’aspect insolite de ces dépôts et les surélèverait encore par rapport au reste du paysage. En réalité, comme l’a d’ailleurs montré une étude récente, le terril cache le problème de l’ensemble des dégradations que fait subir au paysage l’activité minière. Du point de vue du paysagiste, il est beaucoup plus important de reconquérir le paysage autour des terrils, sur l’emprise des mines abandonnées, sur les milliers d’hectares délaissés par l’abandon de l’activité minière, que sur les terrils eux-mêmes où la nature a tout le temps de faire son oeuvre . Mais planter autour et aux alentours des terrils, outre que cela sera plus facile et moins cher, permettra souvent beaucoup mieux de les cacher que de planter dessus.

Coût et dangers du remodelage

On a bien proposé, pour éviter l’inconvénient paysager, d’effectuer le remodelage d’un certain nombre de terrils pour rendre leurs formes plus supportables. L’idée est très intéressante mais se heurte à des inconvénients de taille dont le premier est le coût : en première approximation, on a cité des prix variant de 5 à 15 millions de francs pour remodeler des groupes de 2 terrils.

Peu de collectivités pourront s’offrir ce luxe. De plus, le remodelage détruit le patient travail de la nature sur la surface du terril : le sol était peu à peu devenu apte à recevoir une végétation au bout de longues années d’évolution ; le remodelage empêche d’en profiter, et la plantation sur un terril remodelé, même moins pentu, risque alors de coûter plus cher et de réussir moins bien que sur un vieux terril respecté. Il faudra en effet y procéder comme sur un terril neuf, et peut-être y effectuer des apports importants de terre végétale ou de gadoue.

Malgré son coût et ses inconvénients, le remodelage devra cependant certainement être envisagé dans certains cas particuliers.

Alors ?

Alors, bien entendu, la solution n’est pas simple. L’idéal serait d’agir comme on le fait maintenant dans la Ruhr, c’est-à-dire d’édifier des terrils dont la forme autorise une plantation efficace (pentes inférieures à 30°, larges terrasses), recouverts d’une couche suffisante de terre végétale, plantés et engazonnés tout de suite. Mais c’est une option qui coûte cher puisqu’elle nécessite plus de terrain et la mise en place de terre végétale. C’est cependant peut-être, à

long terme, une solution moins coûteuse pour la collectivité puisqu’elle évite d’avoir par la suite à remodeler, et qu’elle est susceptible d’éviter beaucoup d’échecs dans les plantations.

Ailleurs, c’est-à-dire là où il est trop tard, la solution consiste à agir non seulement sur le terril proprement dit, où l’on n’est jamais tout à fait sûr du succès, mais à planter de façon judicieuse aux alentours du terril pour l’intégrer à l’ensemble du paysage, et si nécessaire à le remodeler complètement. Alors seulement, les terrils, qui inscrivent dans le paysage des bassins miniers le témoignage d’une activité humaine féconde mais en déclin, pourront devenir le symbole de régions où l’utilisation intense n’a pas fait oublier la nécessaire qualité du cadre de vie.

Jean DOUHERET

Chef de Centre de gestion

OFFICE NATIONAL DES FORETS

Maison forestière du Verger

9, avenue de la Libération

04400 BARCELONNETTE